Sans surprise, la Cour de justice de l'Union européenne a suivi les conclusions du Premier avocat général – comme elle le fait dans la majorité des cas – et a jugé que les règles de la FIFA, matérialisé dans le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, étaient contraires au droit de la concurrence européen et à la fameuse libre circulation des personnes.
Sans revenir sur une affaire largement médiatisée, était en particulier critiqué le fait que la rupture d’un contrat sans juste cause au sens des règles FIFA par un joueur pouvait entraîner sa condamnation à régler des dommages et intérêts à hauteur des salaires et primes qu’il aurait dû percevoir d’ici la fin de son contrat (art. 17.1), étant précisé que le nouvel employeur dudit joueur est tenu solidairement au règlement de cette indemnité (art. 17.2).
Ces règles entraînent une restriction à la libre circulation des personnes en restreignant la capacité d’un joueur condamné à trouver un nouveau club, frileux de devoir débourser des sommes dans le cadre d’un litige tranché auquel il est tiers. Ce faisant, il y a mécaniquement une distorsion de concurrence entre les clubs. N’y a-t-il pas d’ailleurs une double sanction dans les faits puisque, non content d’avoir été condamné parfois à des sommes importantes, le joueur serait dans l’incapacité de retrouver une source de revenus pour éponger sa dette ?
Cette règlementation peut surprendre dans la mesure où un club se verrait attribuer des sommes qu’il aurait dû normalement débourser… c’est d’ailleurs pourquoi le Tribunal Arbitral du Sport a infléchi ces règles dans sa jurisprudence :
l’incapacité du joueur à trouver un autre club et donc à limiter son préjudice devait être pris en considération dans le calcul de la sanction financière (DRC, FPSD-4989);
la rupture d’un contrat même sans juste cause par un joueur, entraîne plus « d’économies qu’un préjudice » pour le club, allant jusqu’à considérer que cela ne correspondait pas à la ratio legi derrière l’article 17 (CAS 2008/A/1519-1520);
la charge de la preuve pèse sur le club qui doit prouver son préjudice et pas simplement réclamer le montant des salaires et avantages restant dus (CAS 2021/A/7714);
lorsque c’est le club qui rompt un contrat de travail sans juste cause, le TAS déduit déjà des sommes dues au joueur les montants obtenus dans le cadre de son nouveau contrat (CAS/2020/A/7435).
Il est vrai que le symbole envoyé par la CJUE à la FIFA est fort ; néanmoins, parler d’une « révolution » paraît disproportionné et il ne semble pas envisageable de permettre aux joueurs de se libérer de leur contrat pour un simple désaccord avec leur employeur. Toutefois, on peut espérer une réécriture du Règlement FIFA, prenant en particulier en compte la jurisprudence du TAS, en concertation avec les acteurs du monde du football (FIFPro, fédérations et syndicats nationaux, clubs...).
Publié le
4 octobre 2024