Alerte Droit du Sport - Quel impact du Covid-19 sur les contrats sportifs ?

9 avril 2020

Alerte Droit du Sport - Quel impact du Covid-19 sur les contrats sportifs ?

9 avril 2020

Alerte Droit du Sport - Quel impact du Covid-19 sur les contrats sportifs ?

9 avril 2020

Comme de nombreuses industries, le monde du sport n'est pas épargné par la pandémie mondiale liée au Coronavirus ; l'annulation (Wimbledon 2020, GP Australie), la suspension (Ligue 1, Top 14) ou le report (Roland Garros, Jeux Olympiques Tokyo 2020 et l'Euro 2020) de compétitions nationales et internationales bouleversent les prévisions sportives et financières de l'ensemble des acteurs du monde sportif.

Les athlètes, les agents sportifs, les clubs, les fédérations mais également les agents économiques tels que les sponsors, les publicitaires et les organisateurs d'événements sportifs sont sans exception impactés par le Covid-19.

Au-delà des difficultés liées au maintien d'une équité sportive, l'incertitude liée aux mesures de confinement prises par l'ensemble des pays du monde a entraîné la suspension de nombreux contrats touchant à la sphère du sport professionnel et avec elle, son lot de problématiques juridiques. Par exemple, comme l'actualité en témoigne dans le monde du football, un sponsor pourra considérer que sa marque n'est plus mise en avant en raison de l'absence de compétitions sportives et pourra décider, non sans risque en cas de contentieux ultérieur, de suspendre les paiements y afférents.

Concrètement, les praticiens devront se livrer à une lecture attentive des contrats liant les parties.

Il conviendra dans un premier temps de déterminer le droit applicable au contrat sportif puisque, en raison de leur caractère bien souvent transnational, ceux-ci peuvent être soumis à un droit étranger.

A supposer que le droit français soit applicable, les parties pourront tenter d'invoquer les dispositions de l'article 1218 du Code civil relatives à la force majeure, permettant à un cocontractant de suspendre voire mettre un terme au contrat en raison de la survenance d'un événement extérieur, imprévisible et irrésistible empêchant la poursuite du contrat.

La force majeure peut-elle être opposée dans un contrat sportif ?

Le monde sportif ne fait pas exception.

Les parties, si elles ne peuvent s'accorder sur le sort réservé à leur contrat en raison du Covid-19, seront tributaires de l'interprétation, par les tribunaux, de cette épidémie : revêt-elle ou non les caractères de la force majeure ? Si la Cour d'appel de Colmar a récemment reconnu, dans l'affaire qui lui était soumise, que l'épidémie du Covid-19 était un cas de force majeure (CA Colmar, 12 mars 2020, n° 20/01098), les virus précédents ont été moins bien « accueillis » par les tribunaux français. Selon les juges du fond, ces virus étaient connus dans leurs effets et/ou peu mortels : ce fut le cas des épidémies du bacille de la peste (CA Paris, 25 sept. 1998, n° 1996/08159), de la grippe H1N1 de 2009 (CA Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229), de la dengue (CA Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003) ou du chikungunya (CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739).

Quid alors du Covid-19 qui semble constituer une variante du SRAS ayant frappé plusieurs pays entre 2002 et 2004 ? Les Tribunaux français se livreront ils également à la distinction, initialement scientifique, entre une épidémie et une pandémie pour retenir la force majeure ? Au-delà de la pandémie, les mesures mises en place par les autorités dans plusieurs Etats, le cas échéant relayées par les Fédérations et Ligues nationales, qui impactent directement la poursuite de toute activité économique, en ce compris dans le domaine du sport, revêtent dans certains cas les caractéristiques d'un cas de force majeure.  

Si la pandémie actuelle est inédite à bien des égards, au premier rang desquels par son ampleur mondiale et les mesures de confinement exceptionnelles prises par de nombreux Etats, elle ne saurait exonérer les parties du respect d'un minimum de formalisme et de leur obligation de loyauté et de bonne foi en matière contractuelle.

Les dispositions de l'article 1218 du Code civil ne sont pas d'ordre public, de sorte que les parties peuvent aménager contractuellement les cas ou les modalités d'exonération liée à la force majeure.

Pour déterminer si la force majeure pourra être opposée au contrat sportif, il conviendra également de déterminer la date de la conclusion du contrat litigieux. Tout contrat sportif qui aura été signé après l'annonce de la pandémie empêchera les parties de se prévaloir de la force majeure. Un tribunal pourrait ainsi considérer que les parties ont accepté "le risque" de conclure un tel contrat malgré la pandémie actuelle qui a inévitablement des répercussions sur les compétitions sportives, à moins de démontrer que de nouvelles mesures prises en raison du développement de l'épidémie n'auraient pas été prévisibles, une telle démonstration étant toutefois délicate.

Les praticiens, tout comme les tribunaux, prendront très certainement comme point de repère la date du 12 mars 2020, date à laquelle l'état d'urgence sanitaire a été déclaré, à l'instar des ordonnances du 25 mars 2020 (étant précisé que cette date pourra varier en fonction du type d'événement et, notamment, de sa capacité d'accueil dans la mesure où les interdictions ont été progressives).

Les conséquences juridiques et pratiques de la force majeure sur les contrats sportifs

Ainsi, selon le sort réservé à l'événement sportif - annulation, suspension, report -, les conséquences sur les situations contractuelles en lien avec ces événements sportifs ne sont pas les mêmes et ce, conformément à l'article 1218 du Code civil :

        i.  s'il s'agit d'une suspension ou d'un report de l'évènement, l'empêchement pourra être considéré comme "temporaire" et les obligations contractuelles seront seulement suspendues ; néanmoins, la durée de cette suspension pourra rendre inutile la prestation et donc vider de sa substance le contrat ainsi conclu ;

       ii.  si, en revanche, l'événement est annulé, l'empêchement pourra être considéré comme "définitif" et la résolution de plein droit du contrat sera encourue.

En toute hypothèse, la rédaction des contrats sportifs est déterminante : le contrat est-il lié à un événement sportif précisément identifié et/ou a-t-il été conclu pour une durée déterminée ? Selon la date de report de l'événement, celui-ci pourra sortir du champ contractuel et, ce faisant, conduire à des situations contractuelles bien différentes selon si les parties ont envisagé ou non un tel scénario.

Aussi, en cas de suspension ou de résolution du contrat sportif, se posera la question des compensations. Si la force majeure permet en principe à une partie de s'exonérer de ses obligations sans devoir la moindre indemnité à son cocontractant, la complexité actuelle des contrats sportifs pourrait conduire à la mise en œuvre de différents mécanismes contractuels, tels que la prise en charge de frais et/ou pénalités (en particulier lorsque des frais ont été engagés en vue de la tenue d'un événement sportif finalement annulé), la suspension des obligations pécuniaires au risque et péril du débiteur (en matière de droits tv par exemple) ou encore une clause de renégociation de bonne foi de primes ou bonus dont le versement était conditionné à des performances sportives.

De même, en matière d’événements sportifs, la pratique montre que les montages contractuels peuvent s’avérer complexes et impliquer plusieurs acteurs à différents niveaux. Ainsi, les parties pourront être tentées de se prévaloir des dispositions de l'article 1186 du Code civil qui prévoit notamment que « lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie ».

Là encore, l’analyse des termes contractuels de nature à établir un lien entre les différents contrats, ou encore la teneur de l’information délivrée au moment de la conclusion de certains contrats sportifs, pourra ou non conduire à la résolution en chaîne de plusieurs contrats liés à un même événement sportif.

Enfin, les assureurs sont en première ligne en matière d'événements sportifs compte tenu des enjeux économiques du sport aujourd'hui ; ces derniers ont-ils pu prévoir dans leur police un certain nombre de mécanismes destinés à limiter leur exposition par la participation de l'assuré (extension de garanties, obligation de déclaration préalable, mise en œuvre de mesures de sécurités, etc…). Certains assureurs ont pu exclure toute couverture en cas d'épidémie/pandémie dans leur police d'assurance ; là encore, l'analyse précise et détaillée des conditions générales et particulières permettra d'éviter que les assureurs n'échappent à la mise en œuvre de leurs garanties assurantielles.

Face à cette situation inédite, nous anticipons que les parties décident de se mettre autour d'une table pour renégocier de bonne foi les termes de leur contrat, en déterminant la réalité de l'empêchement dont se prévaut l'un des cocontractants. En effet, au-delà de la force majeure, lorsque l'équilibre économique d'un contrat se trouve bouleversé par des circonstances imprévisibles sans pour autant que son exécution ne soit pas remise en cause, l'article 1195 du Code civil permet la renégociation des termes contractuels. Ce mécanisme, qui permet une certaine flexibilité du contrat face à un changement de situation imprévu, suppose toutefois que les parties trouvent un accord sur l'aménagement du contrat, sauf à ce qu’elles saisissent le juge qui pourra adapter le contrat ou ordonner sa résolution, étant rappelé que tout au long de cette procédure l'exécution du contrat doit se poursuivre.

En cas d’échec de ces tentatives de renégociation, la lecture attentive de chaque situation contractuelle est ainsi fondamentale pour identifier les forces et faiblesses des arguments de chacune des parties ; notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner dans cette analyse afin de déterminer les chances de succès ou l'exposition liée à la mise en œuvre d'une action judiciaire.

Publié le

9 avril 2020

Xavier Salvatore

Avocat au barreau de Paris

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